L’émission de FR3, « Pièces à conviction », du 13 mai 2009 n’avait, comme son nom l’indique, qu’un seul objectif, nous convaincre que les détectives privés sont des « barbouzes ». Le titre de l’émission était d’ailleurs sans ambiguïté : « Les nouveaux barbouzes : quand les privés dérapent ».  A grand renfort d’images-choc, d’amalgames et de contre-vérités, elle y est parvenue si j’en crois que les réactions qui me parviennent depuis plusieurs jours.

Histoire d’impressionner le téléspectateur, l’émission démarre très fort avec un reportage sur l’entraînement paramilitaire d’une milice privée dont on se demande bien quel est le rapport avec la profession de détective. On entretient ensuite volontairement la confusion entre sociétés d’intelligence économique et agences de détectives, lesquelles sont systématiquement qualifiées d’« officines privées » (pour mémoire, la définition du terme « officine » dans le dictionnaire est « péjoratif : endroit où se trament des choses louches »). Les termes « barbouzes » et « officines » sont ainsi égrenés avec une délectation non dissimulée tout au long de l’émission. Et pour faire de l’audience, on n’hésite pas à aller chercher ces pauvres Cht’is que l’on met décidément à toutes les sauces !

Comme par hasard, tous les détectives interviewés sont d’anciens fonctionnaires, alors qu’ils ne représentent qu’une minorité dans la profession, et bien entendu tous, à mots plus ou moins couverts, reconnaissent violer ou avoir violé la loi. C’est passer sous silence que la très grande majorité des professionnels recueillent leurs informations de façon parfaitement légale et que c’est d’ailleurs la raison pour laquelle leurs rapports sont régulièrement pris en considération dans les procédures civiles, commerciales, pénales et même sociales. Car contrairement aux affirmations des journalistes, il est parfaitement licite de surveiller un salarié à partir du moment où il a été informé (par exemple dans son contrat de travail) qu’il peut faire l’objet de contrôles par tous moyens appropriés. La Cour de Cassation (arrêt du 6 décembre 2007 – pourvoi n° 06-43392) a même reconnu comme licite un constat d’huissier dressé à la suite de la filature d’un salarié effectuée par un détective privé à l’insu de celui-ci et a confirmé le licenciement pour faute grave de ce salarié. Rappelons également qu’en matière pénale, il est tout à fait possible de faire condamner un salarié indélicat sur la base d’un rapport de surveillance de détective, même si ledit salarié n’a pas été prévenu auparavant.

En conclusion, selon la responsable de l’émission, Elise Lucet, tous les moyens sont bons, pour les détectives, pour obtenir des informations confidentielles. La sainte nitouche oublie que certains journalistes (je ne dis pas tous !) utilisent les mêmes moyens pour obtenir les mêmes informations. D’ailleurs, qu’elle nous explique donc comment elle s’est procuré les procès-verbaux d’audition d’une instruction en cours présentés dans un de ses reportages. Si je ne m’abuse, cela s’appelle du recel de violation du secret professionnel et du secret de l’instruction, non ? Ah mais oui, c’est vrai, les journalistes bénéficient de la protection du secret de leurs sources. Je vais donc changer de métier…